L’envolée,
Posé délicatement sur cette branche de cerisier, tel un joyau, je le contemple. Si petit, si délicat, si frêle.
Depuis combien de temps suis-je là à t’observer? Qu’as-tu à me dire ? Vers quelles contrées as-tu choisi de t’envoler ? Des questions levées au petit matin comme tant d’autres lorsque les beautés de la vie vous invitent à vous poser et à lever votre regard sur ce qui nous entoure.
Il est là. Il se maintient immobile. Ses ailes repliées sur lui-même lui donnent l’apparence d’un être si fragile dont la nature aurait voulu garder plus longuement au chaud. Sa vie semble en suspens. Les minutes paraissent une éternité. Et pourtant le temps est décompté malgré lui.
Il attend. Je l’observe d’un air perplexe et interrogateur. Il sait bien mieux que moi qu’il ne pourra rester dans cette position suspendue à ce fil si fin et si cassant éternellement. Au risque de se faire attraper, au mieux de se faire cueillir.
La vie autour de lui tourbillonne, et l’invite à finir sa mutation pour s’élancer vers l’inconnu.
Il attend. Il s’imprègne. Il émerge de cet état de cocon dans lequel il était quelques heures auparavant. Tout est changeant autour de lui, et de lui-même il participe à cette évolution. Il sait instinctivement et se répète chaque micromouvement à effectuer pour réussir cet incroyable saut dans le vide, avec toute l’appréhension et la précision que cela demande. Le moment viendra à cet instant, ses ailes se déploieront harmonieusement et doucement pour permettre une envolée sans à-coup, naturelle.
A cet instant, le vent souffle un léger parfum printanier comme pour donner le coup d’envoi. Les pétales du cerisier en fleurs se soulèvent et voltigent dans le ciel pour former un parterre de confettis.
Il attend. Patiemment, immobile, le moment propice pour une envolée vers de nouveaux espaces le délivrant de cet état primaire.
Le soleil joue avec lui. Les doux rayons se posent délicatement sur lui apportant cette douceur éphémère dont il a besoin pour grandir. Le cerisier en fleur le remercie de l’avoir choisi comme ami pour vivre sa transformation. Mélange de rose, de blanc, de tons clairs et légers, de senteurs sucrées et douces, c’est une osmose qui traverse cet instant si pur.
Spectateur passif et contemplatif, je suis en admiration devant cette magie, cet instant unique et si pur, mélange de délicatesse et de douceur, de peur et de délivrance, où s’entremêlent la vie et la mort.
Mon regard se pose sur ses ailes si fines et si légères. Parsemées d’or, et de motifs symétriques, elles osent se dévoiler de toute leur beauté. Une symbiose à peine perceptible rentre en jeu avec chacun des éléments. L’envolée est imminente. L’envolée est réussie, tout y est, le voici devenu papillon.
Extraordinaire, en admiration je le regarde s’éloigner, à chacun de ses battement d’ailes, le déploiement s’accentue jusqu’à prendre l’envergure qui lui a été donnée. Il poursuit sa route à chaque bouffée d’oxygène, un peu plus loin, pour devenir un petit point noyé dans ce paysage printanier ou les couleurs se fondent à l’unisson.
Beau voyage papillon.
M-K (Avril 2017)